Grandeur et décadence de l'acier basque
Grandeur et décadence de l'acier basque. Pierre de voûte historique de l'économie du Pays Basque, l'avenir de la sidérurgie semble aujourd'hui bénéficier davantage à l'aciérie du Port de Bayonne qu'à son homologue de Bilbao. La facture de la crise économique qui frappe l'industrie sidérurgique basque est loin d'être identique pour le groupe catalan Cesla, avec des situations particulièrement opposées pour ses deux unités basques, l'une au Nord dans le Port de Bayonne et l'Aciérie de l'Atlantique (ADA), et, au Sud, en Biscaye, à Valle de Trapaga et l'usine Nervacero, proche du port de Bilbao. Deux destins différents, entre une aciérie de Bayonne en passe de devenir la vitrine du groupe, et une aciérie biscaïenne qui apparait fragilisée : son environnement structurel semble aujourd'hui insuffisant pour faire face à la concurrence sur la zone d'un autre géant de la sidérurgie, le groupe Arcelor, leader mondial de l'acier. L'acier, poumon historique de l'activité industrielle basque. Pierre de voûte de son essor économique, l'industrie sidérurgique produit 70% de l'acier au four électrique de l'État espagnol et 10% de celui de l'Union Européenne, ce qui la situe comme le troisième producteur de la UE. Secteur de pointe avec une production proche de sept millions de tonnes d'acier, il emploie directement et indirectement plus de 28.000 personnes. Avec près de 14% de la valeur ajoutée générée par l'industrie basque, son essor continue de lui conférer le caractère d' "industrie de base" du tissu industriel basque, dans la construction et dans le secteur automobile. La fragilité actuelle de ces deux secteurs industriels a tendance aujourd'hui à rebattre les cartes des grands groupes, dont l'histoire récente fut marquée à la fin des années 80 par de nombreuses restructurations et investissements réalisés notamment à Bilbao par le groupe Arcelor. Celsa en position de force au Pays Basque. Le groupe Celsa, propriété de la famille catalane Rubiralta, également présent en Norvège et Pologne, emploie aujourd'hui quelque 6 700 personnes. Si sa principale usine est située en Catalogne, à Castellbisbal, Celsa est puissamment implantée en Pays Basque, avec une structure "à deux têtes" au Sud avec l'aciérie Nervacero de Bilbao (acquise en 1988) et Laminaciones Arregui de Vitoria (acquise en 1996), et, au Nord, avec la simple aciérie ADA du port de Bayonne. Orpheline d'une structure directe de laminage de ses barres d'acier, le groupe a annoncé depuis 2008 la future création de deux laminoirs sur un espace contigu au grand fourneau bayonnais. Un investissement qualifié de "plus important en Europe depuis les 10 dernières années" pour la Chambre de Commerce et d'Industrie de Bayonne qui gère la zone portuaire, ce qui pourrait effectivement écrire une nouvelle page d'histoire à Boucau et Tarnos. A Bayonne, l'acier rit. Dédiée à la production de billettes pour la construction - environ 1 million de tonnes par an- par la fusion électrique de ferrailles usagées, l'Aciérie de l'Atlantique bénéficie d'une situation ferro-portuaire optimale pour son développement, entre arrivée de sa matière première par bateaux depuis les stocks de ferraille de l'Europe du Nord et de la Russie, et sa ré-expédition par la mer ou le train vers le continent. Treize ans après ses débuts, le four électrique semble durablement associée au groupe catalan, après avoir été la propriété de consortiums basques, espagnols, puis belges et luxembourgeois. Avec une production actuelle de l'ordre de 1.200.000 tonnes annuelles, ADA bat actuellement tous ses records, avec, depuis ce mois de septembre, plus d'une coulée d'acier par heure, pour atteindre des moyennes de 29 par jour, contre 20 sur d'autres sites industriels équivalents. Régulièrement montrée du doigt par les associations de riverains mécontents des rejets dans l'atmosphère de métaux lourds, la direction semble avoir entrepris un important programme de captation de ses poussières, une nouvelle accueillie avec satisfaction du côté des ouvriers. "Il ne faut pas oublier que les fumées marrons qui incommodent le voisinage sont sans commune mesure avec ceux que les salariés respirent à longueur de journée dans l'usine même", rappelle Bruno Mestre, Délégué CFDT d'ADA. La fermeture annuelle de trois semaines au mois d'août aurait donné lieu à des travaux importants d'aspiration des fumées, avec l'installation de nouveaux capteurs , "c'est plus propre dedans, et donc dehors", se réjouit-il. La crise semble donc épargner cette unité, "Celsa la présente comme le fleuron du groupe" explique le syndicaliste, et le projet de création de deux laminoirs n'est pas remis en question : "il est juste repoussé de 12 mois", précise Bruno Mestre. A Bilbao, un acier plombé par la crise. Acquise par le groupe Celsa à la fin des années 80, l'usine biscaïenne Nervacero fonctionnait à plein régime durant les 15 dernières années. Avec un rythme de production aujourd'hui équivalent à 20% de ses objectifs, le grand fourneau de Valle de Trapaga (Biscaye), vit des heures noires, avec l'effondrement de son marché à l'export depuis un an, qui l'a amenée à demander au gouvernement basque l'autorisation d'un plan massif de suspension temporaire d'activité pour 437 de ses 572 ouvriers, soit 75% de son effectif. Si 95 autres se verront proposer des horaires de temps partiel, l'impact de cette mesure sociale devrait également se faire ressentir du côté des sous-traitants du groupe Celsa, chaque poste de travail fournissant en moyenne du travail à 7 salariés de la sous-traitance. Justifiée par une dégradation importante du marché espagnol, cette réduction de production trouverait également sa logique dans la baisse sensible de la construction résidentielle. Le groupe a donc annoncé vouloir cesser de vendre à perte, et vient d'avertir les syndicats d'une communication des détails de cette opération vendredi prochain. Dans un contexte de dialogue social dégradé depuis de longs mois, les principaux syndicats ont déjà critiqué cette décision, expliquant que la production en Biscaye serait actuellement défavorisée au profit de la filiale catalane de Celsa.